Samedi 9 octobre 2004
Mes biens cher(e)s ami(e)s
De tout temps, le développement économique d’un territoire a été fonction de ses infrastructures. Pas de routes, pas de lignes électriques, pas de réseaux d’eau, pas de chemins de fer, pas d’autoroutes et de bretelles d’accès, pas d’aéroports : pas de développement économique possible. Votre territoire est « in the middle of nowhere » comme disent nos amis Américains. Vous végétez.
Or le Monde bouge, le Monde change. Aujourd’hui, pas d’infrastructure très haut débit pour l’accès à l’Internet : pas de développement futur. l’infrastructure est un préalable indispensable à la création de nouveaux services, de nouveaux emplois. Il est du devoir des collectivités locales de s’occuper de leurs télécommunications à très haut débit.
Nouveau paradigme
Or, un nouveau paradigme dans l’organisation des réseaux de télécommunications se met en place.
Avez-vous remarqué que dans notre histoire, à chaque fois que nous avons créé un nouveau service (télégraphie, téléphonie, radio et télévision hertzienne et satellitaire, réseau câblé de télévision, réseau de téléphonie sans fil), à chaque fois nous avons créé une infrastructure spécifique pour répondre à un besoin spécifique. Avec les technologies analogiques, difficile de faire autrement.
Chaque couple infrastructure/service fonctionnant avec ses propres règles, ses propres protocoles. Ce qui a entraîné dans nos esprits un amalgame entre infrastructure et service. Ce qui ne va plus être le cas avec le tout numérique où sur une seule infrastructure on va pouvoir transporter voix, vidéo, données. Que cela soit sur le filaire ou le sans-fil (le fameux Wifi).
La plupart de ces infrastructures analogiques ont coûté bien cher, et leur coût de maintenance annuel est lui aussi très élevé (encore que nous n’en avons pas une idée très exacte). Là-dessus, l’Internet est arrivé. Et chacun de se dire : pourquoi ne pas utiliser le réseau téléphonique, le réseau câblé, le réseau hertzien et satellitaire pour donner accès à l’Internet ? Alors que ces réseaux au départ analogique (et donc non numérique) n’avait absolument pas été prévu pour cela ? Donc coût d’adaptation élevé, concurrence entre réseaux inadaptés, … Bref, j’appelle cela de la gabegie.
Pendant le même temps, les 200 millions d’entreprises dans le monde adoptaient pour leurs réseaux locaux de télécommunications le protocole Ethernet. Avec 200 millions d’utilisateurs, le coût de connexion (la carte Ethernet) s’est effondré. En fait on n’y fait plus du tout attention car cette carte est intégrée dans l’ordinateur que vous achetez : vous ne connaissez même pas le prix de la dite carte. L’industrie informatique a fait évolué ce protocole robuste et solide vers le GigaEthernet et bientôt le 10 GigaEthernet. Des bandes passantes absolument colossales dont je ne doute pas un seul instant que nous en aurons besoin dans les années à venir. Et ce protocole permet le plus simplement du monde, sans trans-codifications coûteuses entre protocoles différents, de transporter des « paquets IP » (le fameux Internet) comme disent les spécialistes, paquets qui vont véhiculer indifféremment voix, données, vidéo et images. Un seul réseau pour tout. Une belle économie en perspective.
Mais pour proposer ces débits à nos citoyens et à nos entreprises, il faut installer de bout en bout un nouveau fil : la fibre optique qui est la seule aujourd’hui, et probablement encore pour de nombreuses années, à pouvoir véhiculer ces débits.
Qui peut le plus, peut le moins, d’autant plus qu’à ses débits considérés comme pléthoriques aujourd’hui, les industriels de la chose ont ajouté la qualité de services (comme le réseau téléphonique). Il est donc possible par exemple de réserver une bande passante donnée pour regarder un film sur un serveur local de vidéo à la demande : pas de coupures, comme si vous aviez un DVD…
L’infrastructure dans une démocratie doit être publique.
Je pense que tout le monde dans les années à venir voudra une connexion Internet à très haut débit. Et puisque tout le monde aura si je puis dire droit à sa fibre, il me semble que ces nouvelles infrastructures sont du ressort du bien public, de la collectivité. Au même titre que nos routes par exemple qui sont financées par l’impôt. Dans une démocratie qui se respecte, la nouvelle infrastructure optique doit être publique, et non pas appartenir à des sociétés privées. Si tel n’était pas le cas, il nous faudrait être logique avec nous-mêmes et vendre nos routes à un consortium privé. Les technologies d’aujourd’hui permettrait de savoir que vous avez traversé la rue pour aller chercher votre pain : vous serez taxé… Nicolas Sarkozy réglerait par là tous nos problèmes financiers en rétablissant un octroi électronique. On saurait par ailleurs que telle route en Lozère est peu utilisée. Dans ce cas pourquoi l’entretenir ? On voit la limite de la chose … Avec cet octroi électronique : plus d’aménagement du territoire. Tout le monde se retrouve dans les grandes métropoles.
Car là nous risquons toute proportion gardée, des position de monopoles, de « dictature ». Sans compter la gabegie. Savez vous par exemple que l’on retire des fibres dans certains fourreaux à Paris ? N’est ce pas là de la gabegie ? Savez vous qu’entre Paris et Lyon il y a une foultitude de fibres, les opérateurs privées ayant chacun tirées leurs câble espérant un large profit en reliant ces grandes métropoles ? Profit qui n’est toujours pas là ? Sur les térabits/s de débit théoriques il n’y qu’à peine 20% d’utilisés ? Cela ne m’étonne pas qu’il y ait eu une bulle Internet.
Donc nouveau protocole pour les « man » (metroplitan area network), nouvelle infrastructure appartenant à la collectivité, qui par ailleurs se porte garant du libre accès aux réseaux pour toutes sociétés privées désirant proposer des services à la population. Je reprends mon analogie avec les routes : la collectivité fait et entretient les routes pour ses citoyens. Celui décide ensuite d’acheter un vélo, une voiture, un camion à tel ou tel fabricant privé. Ou simplement de marcher (en achetant la paire de chaussure qui lui convient chez tel ou tel distributeur privé).
J’appelle cela du libéralisme. Nous avons fait une « bévue néo-libérale » en dé-monopolisant nos opérateurs historiques comme nous l’avons fait. Il fallait garder le réseau, et vendre la partie services. Il serait encore temps de le faire ?
Un new deal pour la France ?
Les Français sont moroses. Ils ont peur. Peur pour leurs emplois, leurs avantages acquis, et l’avenir de leurs enfants. Ils se réfugient dans le passé (avec l’aide du Prozac et de StarAc)… Et pourtant.
Les Etres Humains vont probablement amorcer leur 3eme révolution, après celle de l’agriculture il y 8 à 10.000 ans, celle de l’industrie plus près de nous, il y 250 ans environ. Nous amorçons une révolution qui s’annonce impressionnante et qui sera basée comme toute révolution sur de nouvelles technologies qui vont converger : les nanotechnologies, la robotique humanoïde, les énergies renouvelables, les biotechnologies, etc…
Entre les 2 premières révolutions, il ne s’est pas passé beaucoup de choses : sauf une très importante : l’invention de l’imprimerie qui a permis de décupler le savoir humain et sa distribution dans des proportions notables. Je pense que l’Internet va jouer le même rôle entre la 2ème et la 3ème révolution qui s’annonce. Le savoir humain et sa distribution va augmenter dans des proportions absolument gigantesques.
La France a de nombreux atouts pour être l’un des premiers pays à faire cette société de l’information. Nous avons de bons ingénieurs (la preuve certains s’expatrient et sont mieux rémunérer ailleurs : preuve qu’ils sont bien formés), nous avons de bons créatifs (la « French touch » est reconnue partout), et nous avons des jeunes qui ont (encore) envie de créer leur entreprise. Mais il nous manque un signal politique fort. Il nous faudrait un « de Gaulle de la société de l’information » dont le premier rôle serait de remettre droit l’esprit des français dans leur tête, … et de fibrer la France. Le Président Roosevelt a redressé en partie son pays après la Grande Dépression de 1929, grâce au « New Deal ». L’Etat américain a investi des milliards de dollars dans des infrastructures. Notamment le câblage électrique des campagnes (les agriculteurs ont pu s’équiper de matériels divers – ce qui a fait fonctionner l’industrie). C’est un peu la même chose aujourd’hui avec la fibre… Fibrer la France – ce qui est pour moi une « ardente obligation » - coûterait aux environs de 15 milliards €, montant qui, compte tenu de la longévité de ce média, pourrait s’amortir sur 30 ans ou plus. Soit quelques €/abonnés et par mois.
Nous avons besoin de ces autoroutes de l’information pour créer de nouveaux emplois à haute valeur ajoutée, des sociétés nouvelles qui vont créer de nouvelles applications dans l’éducation, les loisirs, le commerce, la santé, l’administration, etc… Bref améliorer notre vie de tous les jours…. Qui plus est, si nous sommes les premiers à le faire, ses sociétés pourront exporter leurs services, leur savoir faire. Et nous sauverons par ailleurs notre culture.
Qu’on le veuille ou non, le monde va changer. Avec ou contre nous.