Le "ET" et le "OU"
Dimanche 28 novembre 2004 - On fête Sainte Catherine Laboure...
Réflexions dominicales...
Cette "réflexion" fait suite aux précédentes que vous trouverez dans le chapitres "Réflexions Dominicales". La dernière : Des barbares qui deviennent empereurs"...
Il y a 7 à 8 ans pendant la pleine euphorie de la pré-Netéconomie, et juste avant la bulle, nous avions invité à L'Atelier Joël de Rosnay, que vous connaissez au moins de réputation. Il nous a fait une conférence intéressante et décalée sur le thème de ET ou du OU...
De quoi s'agit-il ?
A l'époque, les grands gourous américains (Marie Meeker par exemple - analyste trés en vue de la banque Morgan Stanley Dean Witter), n'hésitait pas à dire dans les conférences américaines, que la Netéconomie allait balayer dans les plus brefs délais la "vieille économie", ses magasins, ses agences de tout bord, ses médias traditionnels... Amazon versus Barnes and Nobles, Borders, etc... (il faut dire que la Morgan était plutôt impliquée dans le financement d'Amazon... ce qui explique peut-être ces affirmations péremptoires...). Voilà pour le OU... C'est l'un ou l'autre... Les Anciens contre les Modernes... Les Modernes gagnent. Voilà ce que nous disaient ces grands gourous.
Joël - il devait être à peu près le seul à l'époque - défendait le ET. A savoir que l'un et l'autre vivraient leur vie, les anciens s'adaptant au mieux s'il le pouvait... Bref, le discours de notre ami a beaucoup rassuré la salle (le Cetelem y avait invité de nombreux distributeurs traditionnels)... L'argumentation de Joël était simple : "Regardez : la télévision n'a pas tué le cinéma,le cinéma n'a pas tué le théâtre, la radio n'a pas tué le journal, etc... Chacun a trouvé sa place..."
Effectivement. Le tout est de savoir si aux yeux des consommateurs c'est la même chose. Personnellement, je pense que dans les structures technologiques d'avant l'Internet, ce n'est pas la même chose... Pour un consommateur normal un journal, ce n'est pas la radio... On ne voit donc pas pourquoi la radio tuerait l'édition journalistique.. Le ET paraît donc aller de soi.
Mais j'ai un bel exemple de OU.
Quand j'étais dans ma prime jeunesse, au pays des Atrébates, il y avait à côté de chez moi un bourrelier. Si vous ne savez pas ce qu'était ce métier... cliquez ici
Ma mère m'interdisait d'y aller... Elle avait peur que je me blesse avec les alènes. Mais j'aimais ce vieux monsieur bourru, l'odeur du cuir, etc...
Sur la place du village, il y avait deux autres professionnels intéressants... le charron et le maréchal-ferrant. Chez l'un j'aimais voir le cerclage des roues en bois, et chez l'autre, la forge et son foyer ronflant...
Je suis repassé dans ce petit village il n'y a pas si longtemps. Il n'y a plus ni bourrelier (son échoppe est devenue le garage de la maison d'à côté), ni charron (c'est maintenant des Pompes funèbres - mais on n'y fabrique pas de cerceuils pour autant). Quand à la forge, elle est devenue une belle habitation.
Voilà du OU où je ne m'y connais pas.
L'automobile a tué la traction à cheval, parce que la fonction était la même : se transporter d'un endroit à un autre.
Certes pendant une dizaine d'années on a vécu dans le ET, les 2 mondes cohabitant. Mais avec les gains de productivité réalisés dans la fabrication des automobiles, au début des années soixante et des Trente Glorieuses, c'est le OU qui a gagné. Les consommateurs, nos parents et nous, avons choisi l'un contre l'autre. Parce que c'etait mieux. Parce que nous y avions intérêt.
Je pense qu'il en sera de même avec l'Internet. Nous allons vivre dans le ET pendant un certain temps, et on passera dans le "OU" ensuite.
Les Français commencent à goûter à la chose, le commerce électronique s'envole (certes, il part de zéro), et surtout les technologies continuent de s'améliorer. Les micro-ordinateurs améliorent leurs performances (la loi de Moore continuera de s'appliquer), le débit moyen sur les réseaux IP va lui aussi continuer d'augmenter, les écrans vont faire eux aussi de trés grands progrés...
En 2010, je pense que 80 à 90 % des foyers français - contre presque 50% aujourd'hui - disposeront d'un ordinateur puissant (voir de 2 ordinateurs ou plus), d'une connexion qui sera au bas mots de 10 à 100 mégabits - contre moins de 1 méga en moyenne aujourd'hui - ... Et d'écrans probablement trés grands (cela sera possible avec les nanotechnologies). Ainsi que de lunettes de réalité virtuelle. Il s'agit naturellement de pronostics au doigt mouillé. Mais trés plausibles.
Et nous allons certainement passer graduellement vers le OU. Les services qui vont nous être proposées sur l'Internet (par les barbares ?) , services que l'on englobe sous le terme générique de Netéconomie, vont être d'une plus grande valeur pour nous consommateurs, que ceux rendus par la "vieille économie".
Et nous allons faire la même chose que nos parents qui ont plébiscité la voiture au détriment du cheval. ET puis OU...
Lors du congrés de la SCIN dont j'ai déjà parlé dans mon blog, nous avons eu l'occasion d'être immergé dans le CAVE Systems de Sara, le centre de supercalcul de l'université d'Amsterdam. Cave est un système de réalité virtuelle, un système immersif...Trés impressionnant... Voyage au centre du génome humain, d'une protéine, interactions diverses entre les 2, ballade touristique, étude de la formation d'une tornade vue à 300 kilomètres au-dessus de la Terre, etc... Le spécialiste qui nous a emmené dans ces "voyages" nous a précisé que son ordinateur avait la puissance de 20 à 30 microprocesseurs d'aujourd'hui, et que si ces applications étaient disponibles à distance, il faudrait un débit de l'ordre du Gigabits...
Pour conclure cette brève réflexion dominicale (Madame Billaut vient de m'appeler pour grignoter quelques restes du repas dominical de ce midi - les enfants sont venus ce midi, doit plus rester grand chose...) je citerai notre sénateur Tregouet, maintenant devenu honoraire, dans sa derniere publication.
"Quand on sait l’importance que vont prendre les très hauts débits
symétriques sur nos réseaux pour relever tous ces défis excitants qui
s’annoncent devant nous, très vite la France et l’ensemble de l’Europe
du Sud devraient abandonner leur discours « marketing » sur l’ADSL pour
aborder le vrai débat du très haut débit qui, en l’état actuel des
connaissances de l’homme, ne peut être résolu que par le photon et la
fibre optique". (édito du dernier numéro de sa lettre)
"Les mondes virtuels vont devenir la drogue du XXIème Siécle..."
Le problème naturellement c'est que certains (les empereurs ?) n'ont guère intérêt à ce que cela se passe...
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